Focus aujourd’hui sur un des métavers qui fait beaucoup parler de lui : Decentraland. Hier encore c’est Samsung qui annonçait l’ouverture d’un magasin dans ce métavers. Aujourd’hui le moindre lopin de terre ne vous y coûtera pas moins de… 13.000 dollars. Alors bulle immobilière digitale ou véritable investissement ?

Le nouveau magasin de Samsung dans Decentraland.

Decentraland se compose de 90.000 terrains et les propriétaires qui se les arrachent ont l’espoir de pouvoir un jour les utiliser ou les louer. Ainsi l’entreprise tokens.com a acquis la “Fashion Street” pour 618.000 MANAs ($2.4 millions de dollars) en novembre 2021 et envisage de rendre ce quartier virtuel très attractif pour les marques de luxes. On leur promet de pouvoir y communiquer et peut-être un jour y vendre des NFTs et articles physiques à des millions d’avatars. Ce district de Decentraland sera le berceau de la première “Fashion Week” du métavers et de ses premiers défilés de modes digitaux entre le 24 mars et le 27 mars 2022.

Tokens.com organise cet évènement sur ses terres en partenariat avec UNXD, une place de marché pour NFTs de luxe. Encore en développement, cette nouvelle plateforme a déjà réussi à écouler la “Collezuone Genesi”, première collection NFT de Dolce & Gabbana, pour pas moins de… 5,65 millions de dollars.

La valorisation actuelle du MANA (token utilisé pour les échanges au sein de Decentraland) et de tous les terrains de ce métavers reposent cependant sur une hypothèse : celle que des millions voire des dizaines de millions de citoyens digitaux se baladeront un jour dans ses rues. Seule la présence de clients potentiels pourrait en effet pousser les entreprises à louer ou à acheter ces quartiers virtuels pour communiquer et tenter de vendre leurs produits.

Or dès qu’on parle de métavers on retrouve sur Twitter et ailleurs de nombreuses réactions négatives de personnes pas du tout emballées voire même refusant catégoriquement ce nouveau monde digital en création. D’autres, peut-être visionnaires, anticipent un grand futur pour ce “nouvel internet”.

Le sujet est clivant et ces réactions ne sont pas sans rappeler celles autour de Bitcoin il y a plusieurs années. Quand le journal “Les Echos” parlait d’un bitcoin à $400 comme d’une formidable chaîne de Ponzi, d’autres y voyaient une révolution en marche et une formidable opportunité investissement. Alors qui a raison et à quel futur doivent s’attendre ces métavers et en particulier celui de Decentraland ?

Est-ce que les nouvelles générations qui passent toujours plus de temps à socialiser derrière un écran seront attirées par ces nouvelles formes de réseaux sociaux ? Pour l’instant on ne retrouve que rarement plus de 1500 utilisateurs au même moment sur Decentraland. Il faut dire que les graphismes sont encore très basiques et loin de ressembler aux virées digitales extraordinaires de Wade Watts dans Ready Player One.

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Bande annonce du film “Ready Player One” de Steven Spielberg.

Pour atteindre le niveau de détail imaginé dans ce film et pour y voir des millions d’avatars et d’objets interagir entre-eux, l’entreprise américaine Intel estime que les puissances de calculs actuelles doivent encore être multipliées par 1000. Un sacré défi quand on sait qu’Intel justement envisage de multiplier par seulement 10 la capacité de ses puces électroniques au cours des 10 ans à venir… Heureusement d’autres entreprises travaillent pour participer à cet effort de développement et saisir les opportunités qu’offre un tel défi.

On pense aux entreprises développant des casques de réalité virtuelle. Sony a récemment déposé un brevet pour l’invention d’un nouveau type de casque censé améliorer le rendu et réduire énormément la sensation de vertige parfois créée par l’utilisation de ces produits. On pense à d’autres utilisant l’intelligence artificielle ou permettant à des utilisateurs de monétiser la puissance de calcul de leur carte graphique via le cloud afin de rendre le métavers réalité. C’est le cas par exemple du Render Network (et de son token RNDR) qui travaille désormais en partenariat avec la blockchain Solana.

La ou les blockchains qu’utilise un métavers semble aussi être un facteur de réussite car certaines semblent plus adaptées que d’autres à la création de ce monde digital en interaction continue. Decentraland utilise pour l’instant la blockchain Polygon. Or pour Jules Urbach, fondateur du Render Network, la blockchain Solana est à ce jour celle qui possède les meilleurs atouts techniques pour y développer un métavers. Le Render Network avait d’ailleurs commencé par utiliser Ethereum puis Polygon avant de passer sur Solana.

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Un avatar déambulant dans Decentraland.

Decentraland saura t-il proposer une expérience suffisament engageante pour le plus grand nombre afin de rendre le modèle économique de son monde virtuel vertueux ? Parviendra t-il à attirer du “temps de cerveau humain disponible” comme disait le PDG de TF1 à une autre époque ? Le facteur décisif pourrait se trouver ailleurs, en l’occurrence en sa capacité à intégrer des jeux Play-To-Earn de qualité.

Car si Decentraland n’attire pour l’instant que quelques milliers d’utilisateurs actifs ce n’est pas le cas d’autres applications décentralisées comme Axie Infinity, jeu P2E auquel participent déjà 2 millions de joueurs actifs. Cette manne de joueurs principalement basée dans les pays en développement n’est peut-être pas la plus rentable pour des marques de luxe mais Axie Infinity a la ferme intention de s’appuyer sur elle pour développer son propre… métavers !

Alors certes Decentraland possède déjà ses quartiers peuplés de casinos mais cela sera t-il suffisant ? D’autant que les casinos sont surtout réputés pour rendre riche le casino lui-même. C’est pourquoi il faudra suivre de près l’incubateur qu’a lancé Decentraland pour financer jusqu’à 6 équipes de développeurs de jeux Play-To-Earn à intégrer dans son métavers. C’est peut-être là que réside la clé de son succès dans les mois et années à venir.

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Wondermine, un des jeux P2E qui a déjà connu du succès dans Decentraland.